jeudi 9 mai 2019

Quelle flore utiliser dans le Sud-Ouest ?

Vous êtes nombreux à nous demander quelle flore recommander pour herboriser dans le Sud-Ouest français. La réponse n'étant pas évidente, voici quelques commentaires sur les différentes flores disponibles localement :


la Flora del País Vasco, éditée en 1999 par nos collègues espagnols, elle couvre le territoire basque côtés espagnol et français et reste une bonne flore pour herboriser dans l'extrême Sud-Ouest, les critères de détermination sont pratiques, les illustrations de qualité et sa date de publication en fait un ouvrage qui n'est pas encore "dépassé". Problèmes : il faut maîtriser un minimum la langue de Cervantes et sa validité diminue à mesure qu'on s'éloigne du Pays Basque : elle sera probablement encore assez fiable en Chalosse et dans le Béarn hors montagne, mais au delà il est probable que des espèces non prises en compte dans cette flore apparaissent, notamment dans les milieux spécialisés que sont la montagne ou le littoral. Subventionnée par le gouvernement de la communauté autonome d'Euskadi son prix est très accessible (< 30 €).
une version PDF est diffusée (gratuitement !) par l'éditeur : http://www.euskadi.eus/contenidos/documentacion/claves_flora/es_def/adjuntos/claves_flora_es.pdf 

la Nouvelle flore illustrée des Pyrénées de Marcel Saule, ouvrage très récent puisque publié en novembre 2018, il s'agit d'une édition revue et augmentée de la Grande flore illustrée des Pyrénées. Elle couvre l'ensemble de la chaîne pyrénéenne (versants nord et sud + piémont + littoraux basques et catalans). Son format la condamne malheureusement à rester une flore de bureau. Son prix n'en fait pas non plus la première option (95 €). Elle est extrêmement bien illustrée et l'intégration du piémont en fait une flore valable (au moins en grande partie) sans doute jusque vers la Chalosse au nord. Je n'ai pas vérifié mais elle serait sans doute à éviter sur le littoral landais ou dans le triangle des Landes de Gascognes. Les conceptions taxonomiques utilisées sont par ailleurs un peu datées (l'auteur n'est pas de toute première jeunesse), mais dès lors qu'on a conscience de cette caractéristique, il suffit de vérifier la synonymie du résultat obtenu pour détecter un éventuel nouveau nom. Un exemple : Senecion bayonnensis (plante protégée au niveau national, présente en France uniquement au Pays Basque et extrême Sud-Ouest du département des Landes, identifié sous ce nom là dans la liste de protection et dans Flora Gallica qui a été publiée en 2014) apparaît dans la flore de Marcel Saule sous le nom de Senecio nemoralis.
la flore de Gironde : elle est valable jusque dans les Landes de Gascogne et est donc complémentaire pour la couverture du département des Landes de la Flora del País Vasco (ou de la flore de Saule), cependant elle manque d'illustrations. Plutôt facile d'utilisation (par rapport à Flora Gallica). Attention la 1ère édition contient un certain nombre d'erreurs. Il vaut mieux chercher à acquérir la 2e édition (attention donc si tu cherches un bouquin d'occasion). Un collègue (qui l'utilises régulièrement) m'indique que son intérêt varie aussi selon les groupes : par exemple elle n'est pas pratique pour les Orchidées mais assez bonne pour les Carex.

la flore du Gers : je ne peux pas en dire grand chose étant donné que je ne l'utilise pas (et n'ai pas eu de retours d'utilisateurs), je sais juste qu'elle existe. Il me semble qu'elle a bonne réputation.
Elle est téléchargeable gratuitement : 





 
la flore de la Haute Garonne : idem que pour la flore du Gers :



la flore de Dordogne : idem que pour les deux flores ci-dessus : je n'en sais pas grand chose, et en plus je n'ai pas eu d'échos sur sa qualité et elle n'est pas en téléchargement gratuit.


Flora Gallica : récente, couverture exhaustive du territoire français, très pointue (et critique d'un point de vue taxonomique ! ce qui est assez rare pour être souligné), le vocabulaire ainsi que les critères de détermination utilisés la rend très inaccessible aux débutants et assez rebutante même pour les professionnels. Ses illustrations sont peu nombreuses et pas de la meilleure qualité (comparativement aux illustrations de la flora del país vasco, de la flore de Saule ou encore pour les connaisseurs, de celles de Jauzein).

enfin il faut signaler pour terminer ce tableau le guide de la flore des dunes littorales œuvre d'un forestier de l'ONF et publiée chez Sud-Ouest éditions. Il s'agit d'un guide illustré, pas d'une vrai flore, néanmoins il est très pratique pour ce milieu très particulier, cependant je doute qu'il soit exhaustif, même sur la dune.

dernière ressource à signaler ici : la Flora Iberica, oeuvre non encore achevée (manquent notamment les Poacées et les Astéracées), mais qui peut se révéler utile ponctuellement. Pour toutes les familles publiées, les PDF sont téléchargeable gratuitement, famille par famille (donnent les clés des genres) et genre par genre (donnent les clés des espèces) :

Conclusion, pour herboriser sur le Bassin de l'Adour, je recommanderais pour les hispanophones en premier achat la Flora del País Vasco, à compléter par la flore de Gironde ou la flore de Saule. Et pour non hispanophones l'une ou l'autre (ou les deux) flore de Saule et flore de Gironde selon vos affinités géographiques.

Une dernière remarque concernant les PDF téléchargeables gratuitement : ce n'est pas toujours très pratique à utiliser sur tablette ou smartphone (navigabilité souvent limitée avec obligation de faire défiler le PDF jusqu'aux pages souhaitées ce qui peut vite être lourd). Si on a le choix entre imprimer par soi même ou acheter un livre papier, je recommande plutôt la deuxième option : l'impression "à domicile" revient vite cher en papier et en encre étant donné le nombre de pages de ce genre d'ouvrages (testé).
N'hésitez pas à me faire part de vos remarques, critiques ou louanges, demandes de correction le cas échéant, je tâcherai d'en prendre compte pour enrichir et améliorer cet article. --> beckflorent@gmail.com 

Rédaction : Florent Beck, le 09/05/2019

Ajout du 26/05/2019 :

Petite flore de France : ouvrage à destination des débutants pour identifier familles et genres avec présentation des espèces les plus communes (environ 1/5e de la flore française y est figurée). Ouvrage récent, aux éditions Belin, subventionné par la Société Botanique de France.
https://www.belin-editeur.com/petite-flore-de-france-ne

dimanche 3 février 2019

Nombre d'espèces par département

Où trouver l'information concernant le nombre de plantes présentes dans chaque département ?
Voici une question qui en intéressera plus d'un.

Le projet "Chorologie départementale" permet d'apporter des réponses à cette question.

La chorologie c'est l'étude de la répartition des êtres vivants. Ce mot vient du grec χῶρος, khōros, "endroit, espace".

D'abord rendons-nous sur la page "Chorologie départementale" de Tela Botanica :
https://www.tela-botanica.org/chorologie-departementale/

La liste des départements français est accessible, on clique sur celui qui nous intéresse (dans notre cas les Pyrénées-Atlantiques) et la page s'actualise pour afficher la liste des plantes recensées sur le département.


(résultat au 03/02/2019)

On a donc un premier chiffre de 3513 "taxons" sur le département.
Mais qu'est-ce qu'un taxon ? Ce terme est utilisé dans la classification des êtres vivants.
Faisons ici un bref rappel sur le fonctionnement de cette science.

Introduction simplifiée à la taxonomie

les êtres vivants sont classés en espèces (une espèce étant l'ensemble des individus capables de se reproduire entre eux et d'avoir une descendance fertile). Les espèces proches entre elles sont ensuite "rangées" au sein d'un même genre. Les genres proches entre eux sont "rangés" au sein d'une même famille, puis les familles en ordres et les ordres en classes.
La classification c'est donc - en quelques sortes - l'art de "ranger" les êtres vivants dans des boites plus ou moins grandes. "Taxon" c'est donc le mot technique pour parler de ces "boites". Ainsi quand on dit "il y a 3513 taxons de plantes vasculaires dans les Pyrénées-Atlantiques" cela devrait signifier - en première approche - qu'il y a 3513 "boites" différentes pour ranger les espèces de plantes vasculaire dans ce département. Cela devrait donc inclure à priori tous les niveaux hiérarchiques de boites : de l'espèce jusqu'à la classe.
Dans la pratique, cela nous intéresse assez peu de savoir le nombre de boites, la question qui nous préoccupe vraiment c'est "combien d'espèces ?" - ce qu'on peut formuler aussi comme "combien de boites de plus bas niveau ?"

De plus bas niveau ? Ce serait un peu trop simple : en effet les botanistes - qui sont des individus aussi facétieux que rigoureux - ont décidé (pour des raisons pratiques parce que le vivant ne se laisse pas ranger dans des boites si facilement que ça) de créer des "boites intermédiaires" : des "sous-boites" pour chacun des grands types de boite que j'ai cité précédemment :
On a donc (entre autres) : des classes et des sous-classes, des ordres et des sous-ordres, des familles et des sous-familles, des genres (rarement des sous-genres, mais plus souvent des tribus !) et enfin des espèces et des sous-espèces, voire même parfois des variétés (et des sous-variétés : si l'on veut être vicieux, soyons-le jusqu'au bout).
Bref les boites de "plus bas niveau" ne sont donc pas forcément les espèces, mais parfois des sous-espèces, voire des variétés (et des sous-variétés mais cette dernière catégorie est franchement rare et assez peu utilisée).
Tout ça pour expliquer : quand on annonce "3513 taxons" on veut en vérité dire "3513 taxons terminaux", c'est-à-dire, des "boites de plus bas niveau". Et on est obligé de dire "taxon" (c'est-à-dire "boite") et non pas "espèce" car le plus bas niveau n'est pas toujours l'espèce : ça l'est souvent, mais c'est parfois plutôt la sous-espèce, voire la variété.

Et donc comment aller plus loin ?

Rendez-vous sur l'espace projet "Chorologie départementale" de Tela Botanica et de là, sur le porte document :
https://www.tela-botanica.org/projets/chorologie-departementale/porte-documents/
Vous devriez y trouver un fichier excel dont le nom commence par "chorodep..." suivi d'une date. Par exemple : chorodep 24-4-2018.xlsx
Télécharger ce fichier.

capture d'écran de "chorodep"
En ligne on a les taxons. La première colonne indique le rang taxinomique, c'est-à-dire la place de la "boite" dans la hiérarchie : esp = espèce,  hyb = hybride, subsp = sous-espèce, var = variété, f. = forme et écoph. = écophyte (c'est à dire une forme dépendante de l'environnement de la plante).

En colonne on a les 95 départements métropolitains (la Corse est comptée d'un seul coup).

Tout en bas une ligne "zz1 TOTAUX espèces par départements" permet de connaître le nombre d'espèces par département.
Pour les départements concernant le bassin versant de l'Adour on a donc :

Hautes-Pyrénées : 2271 espèces

Gers : 1385 espèces

Landes : 1743 espèces

Pyrénées-Atlantiques : 2457 espèces

Et pour ces quatre départements réunis : 3136 espèces

NB : Ne sont pas incluses dans ce compte toutes les espèces dont la présence serait à confirmer, les douteuses, les signalées par erreur ni les disparues.

Remarque, si on fait la somme de tous les taxons terminaux présents dans chaque département, on obtient des chiffres divergeant quelques peu de ceux donnés par la page "Chorologie" (vue précédemment). Ainsi on a :

Département Fichier excel "Page" chorodep
65 - Htes Pyrénées 3140 3136 (-4)
32 - Gers 1902 2150 (+248)
40 - Landes 2396 2420 (+24)
64 - Pyrénées atl. 3471 3513 (+42)

Il me faudra investiguer plus pour comprendre d'où viennent ces différences. Je suppose qu'il pourrait s'agir de différences de traitements sur les genres complexes (Rubus, Taraxacum, Alchemilla, etc.) ?

Quelques observations

Tiens puisqu'on recense les disparues, jetons un œil sur celles qui sont considérées comme telles dans chorodep :

Pour les Hautes Pyrénées :
Allosorus acrosticus (Balb.) Christenh.
Asplenium x centovallense D.E.Mey. [Asplenium adiantum-nigrum L. x Asplenium cuneifolium Viv.]
Cypripedium calceolus L.
Hymenophyllum tunbrigense (L.) Sm.
Marsilea quadrifolia L.
Salvinia natans (L.) All.

Pour le Gers :
Marsilea quadrifolia L.
Turgenia latifolia (L.) Hoffm.

Pour les Landes :
Aldrovanda vesiculosa L.
Anogramma leptophylla (L.) Link
Asplenium obovatum subsp. billotii (F.W.Schultz) O.Bolòs, Vigo, Massales & Nino
Asplenium obovatum Viv.
Avellinia festucoides (Link) Valdés & H.Scholz
Carex brizoides L.
Centaurium scilloides (L.f.) Samp.
Dactylorhiza majalis (Rchb.) P.F.Hunt & Summerh.
Dactylorhiza majalis (Rchb.) P.F.Hunt & Summerh. subsp. majalis
Elatine brochonii Clavaud
Epipactis muelleri Godfery
Hammarbya paludosa (L.) Kuntze
Herniaria hirsuta L.
Lathyrus ochrus (L.) DC.
Neottia nidus-avis (L.) Rich.
Nigella arvensis L.
Nigella arvensis L. subsp. arvensis
Omphalodes littoralis Lehm.
Omphalodes littoralis Lehm. subsp. littoralis
Ophioglossum lusitanicum L.
Orchis simia Lam.
Pimpinella saxifraga subsp. nigra (Mill.) Thell.
Pinguicula grandiflora Lam.
Pinguicula grandiflora Lam. subsp. grandiflora
Salvinia natans (L.) All.
Seseli tortuosum L.
Spartina patens (Aiton) Muhl.
Telephium imperati L.
Telephium imperati L. subsp. imperati
Trifolium retusum L.

Pour les Pyrénées-Atlantiques :
Bupleurum tenuissimum L.
Bupleurum tenuissimum L. subsp. tenuissimum
Eriophorum gracile Koch ex Roth
Limodorum abortivum (L.) Sw.
Lythrum thesioides M.Bieb.
Mantisalca salmantica (L.) Briq. & Cavill.
Marsilea quadrifolia L.
Ophioglossum azoricum C.Presl
Orchis simia Lam.
Pilularia globulifera L.
Trifolium rubens L.